Recule encore un peu, pour voir !

recul

La formule qu'on prononçait d'habitude devant la glace d'une cabine d'essayage, afin de jauger de la pertinence d'achat d'un jean, est devenue, en 2021, un "élément de langage".

Des tonnes de quidams "manquent de recul" devant un "essai thérapeutique".

Pour avancer, on pourrait tirer le rideau, ne pas y prêter attention, et aller prendre une douche, voire plonger dans la vague. Mais "le manque de recul" n'en disparaîtrait pas pour autant. Et, quand on élargit le champ, on constate qu'effectivement, à force d'avoir le nez collé sur l'écran, on n'en voyait guère plus que les chiures de mouches. Et dire qu'on ne savait pas qu'il y avait aussi des lunettes pour çà.

Mais prenons donc, de ce pas, ce recul que je ne savais voir. Zoomons et dézoomons pour rester d'jeun et tictoqué. Ne reculons pas trop quand même, car on pourrait de trop loin constater l'état de la planète et sombrer dans un vide d'incertitudes. Oui, car il faut quand même savoir raison garder.

Avoir du recul consisterait à pouvoir mesurer une distance suffisante et raisonnable entre soi et l'objet de notre étude, et donc garantir une prise de décision subséquente quand aux rapports qu'on serait susceptible de poursuivre avec le dit objet. Bien sûr, tout cela restant soumis au libre arbitre, c'est une évidence. Vous remarquerez que cette perspective induit de fait beaucoup de variants et d'inconnues.

Est-ce l'objet qui recule ou avance alors que nous restons immobiles ? Chacun se déplace-t-il à une vitesse différente, introduisant peu à peu une distance qu'on pourrait prendre pour un recul ? Ou, solution simpliste, effectuons nous deux ou trois pas en arrière, en les surveillant, cela va de soi ? Ainsi, si tu as du recul, comment veux-tu que je te crois crédule ?

Et, bien sûr, tout cela se complique quand, voulant réinventer avec nos pieds le mécanisme d'une focale, on en oublie la question de l'ouverture.

Bon, essayons de simplifier, et résumons-nous avec une formule plus scientifique : "Il s'agit d'une distance algébrique dont le signe est déterminé par la convention classique en optique : toutes les distances sont positives lorsqu'elles sont orientées dans le sens de la propagation de la lumière. Ainsi, les systèmes optiques divergents ont une focale négative, tandis que les systèmes optiques convergents ont une focale positive. La focale est liée à la vergence, cette dernière tenant compte de l'indice de réfraction du milieu".

Vous voyez bien que "le manque de recul" n'est pas chose à manier si simplement que çà. N'est donc pas scientifique qui veut, pour manipuler ces concepts là.

Mais, restons dans la pratique des choses, puisque leur envers nous plonge dans un abîme de réflexions auquel nous aurions échappé si nous n'avions pas reculé si précipitamment.

Dans les faits du quotidien, voyons ce que, collectivement, "les absences de recul" produisent comme avancées.

En fait, à bien y regarder, les adeptes de la focale négative nous font entrevoir ce qui ressemble au fond d'une bassine laissée durant tant d'années à l'abandon au pied d'un mur écroulé depuis. Finalement, il y a plein de trucs chelous dedans.

Je vous avais prévenu, on n'est pas dans le recul sur la planète, mais juste dans un examen d'objets de fond de cour, bien chez soi, entre souverainistes assumés.

Remuons donc la bassine, et faisons l'inventaire.

Ce que l'on pourrait poétiquement d'abord prendre pour des étoiles tombées du ciel, par une chaude nuit d'août, s'avèreront être un amalgame de résidus que l'eau croupie conservait dans sa vase, pour des "jours nouveaux". A jeter dare-dare.

Puis viennent quelques cailloux, comme on en trouve dans toute chaussure, lorsque que la marche n'a mené nulle part. En même temps, trouver là ce gravier pas encore sable n'est pas une surprise. Ils garniront bientôt un fond d'urne, à l'occasion.

L'ensemble est trouble, et sent plus le fermenté ancien que le compost prometteur. Mais comment prendre du recul si je dois finir à la battée ? Car, à en croire certains, il y aurait quand même quelques pépites au sein du sable mouvant.

Même en y rajoutant de l'eau, de semaine en semaine, rien n'y fait pourtant. La soupe reste glauque, et l'or promis se fait attendre. La bassine du grand soir et de la reculée réunis ne tient pas ses promesses. Ha ! Encore une étoile...

De quoi parlait-on déjà ?


Image de Une : Notre Dame de Paris - Le juif errant et une créature reptilienne

 

 

 

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