T’as oublié de descendre la télé

télé poubelle

Essayeurs, essayeuses, essayistes, chacun, chacune changeant de veste, ou pas, selon le plateau TV, on pourrait croire que le paysage audiovisuel français, paf, d'un coup, est devenu une vaste cabine d'essayage.

Rachel cause avec Latifa qui contredit Charles Henri qui s'offusque de ne pas pouvoir accepter les propos de Jordan. Et tout ce beau monde, sous le regard comptable d'un animateur flanqué d'une animatrice, ou l'inverse, selon les orientations de la chaîne, voit sa parole entrecoupée d'annonces encourageant à faire "comme j'aime". Après l'émission, si tu évites les cacahuètes et les chips, tu auras perdu trois kilos, dont deux de cervelle.
N'oublions pas les valeurs sûres, celles qui n'essaient rien ou qui ont écrit des livres, il y a longtemps, qu'on trouve encore sur les vides greniers, mais qu'on présente comme journalistes, parce que rédacteurs, enfin chef.fe de, publications papiers ou numérique, sans compter les plus bidons encore, tanks où l'on pense en anglais.

Toutes valeurs actuelles mêlées, ces imprimantes 3D du prêt à penser et de la mode réunis se répartissent chaque jour que Téléstar fait dans un planning TV et commentent leurs propos de la veille, en présentant leurs sujets du lendemain, et ce... en continu.
Ukraine, suppression de la redevance, meurtres, racisme de bas étage, refus d'obtempérer, émois politiques de blondes, déboires d'autres, avec claque, radicalisations de province et manifestations de grandes villes, le samedi, ensauvagement, tout est prétexte à essayer sa verve et empocher ses dividendes, en crachant par terre, ou mieux, dans la soupe. On négociera son augmentation en coulisses, selon l'audience.
Finalement, la prostitution, dans les cabines d'essayage, personne là n'en parle, mais ça existe. Et comme c'est filmé, c'est pornographie obligatoire pour toutes et tous... en continu, sauf à égarer la zapette, comme on jette un préservatif usagé. La passe y était à 138 euros encore hier. Petit.e veinard.e, demain ce sera gratuit ! Plus de redevance, vive les abonnements !

Oui, je sais, "tu n'as qu'à pas regarder", "moi j'ai jeté ma télé depuis longtemps". Que ne l'ai-je vu écrit et entendu.
Savoir qu'une émission de télé qui patauge dans le sang et les entrailles d'une gamine assassinée et vocifère des diatribes racistes, fait une audience telle que ses promoteurs arrosent ça le lendemain, ne peut pas appeler seulement un "t'as qu'à pas regarder". Surtout que je n'ai pas regardé, mais vu, su quand même, partout, ailleurs...

Rares en fait sont celles et ceux qui ne disposent pas d'un écran à la maison, dont je doute qu'il serve de déco vintage. Il y en a, j'en connais. Mais ils/elles n'échappent pourtant pas aux "meilleurs moments", dès lors où ils/elles zappent sur twitter ou facebook ou reçoivent des "news" via des listes mail "wanadoo". Ils/elles "décalent" dans le temps, c'est tout, dans leur sobriété médiatique. Et ne pas savoir ce que l'autre regarde ou a vu peut conduire parfois à s'isoler dans un pot de complote.

Lire, ha oui, lire. Mais là je parle d'information, d'actualité, de la santé du monde, et des miroirs déformants qui le reflètent, pas de romanesque ou de philosophie. Je parle de ce qui fait le prix du pain et de la mort de la pensée justement, dans le même pétrin quotidien.

Alors relire "l'Etranger" et "La nausée", en alternance, n'y suffira pas.

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