Et comme il était en manque, on a suspendu sa garde à vue.
Nos médias ont du flair. Ils le savaient. Si ce n'est même avant l'attentat. Le crime, enfin, la randonnée sauvage, bref ce qui s'est produit à Paris , est "un fait divers raciste".
Car, voyez-vous, comme pour les fumeurs de crack, le racisme est pathologique, et conduit à des conduites irresponsables, d'un centre culturel kurde à un coiffeur pour hommes, en passant par un restaurant kurde. Car chez les déséquilibrés racistes pathologiques, on ne pense pas Monsieur, on ne pense pas, on tire à vue, et seulement contre des Kurdes.
Nos médias préférés savaient avant même que la police n'arrive, qu'un cinglé récidiviste et raciste, retraité de la SNCF, avait piqué une crise chez un coiffeur, parce que le Père Noël lui avait refusé sa commande de train électrique. C'était un salon kurde, par hasard, tout comme le centre culturel où il avait exécuté une militante politique quelques minutes auparavant, sans intention autre qu'épuiser un chargeur.
Mais le mot était passé, "C'est rien qu'un maboul, circulez. Et, pour faire bonne mesure, dites bien qu'il est raciste, rappelez ces antécédents (pièce jointe), et on n'en parle plus. On vous envoie le Ministre".
La flicaille n'était pas encore sur place (quarante minutes), que le Ministre en visite dominicale s'annonçait sur les lieux du crime, après avoir envoyé aux animateurs télé ses éléments de langage.
"Cinglé solitaire ayant agi seul. stop. Qualification raciste autorisée".
Nos médias se sont exécutés, en se faisant mousser au passage avec un "selon nos enquêteurs"...
Puis les choses se sont précipitées. La visite du Ministre exigeant que le territoire soit dégagé, on a envoyé sa milice, qui a copieusement gazé le terrain et l"a nettoyé un peu de ses Kurdes, venus là pour pleurer des morts. Pisqu'on vous dit que c'est un déséquilibré solitaire, non mais !
A partir de là, difficile de savoir si c'est un administratif mécontent d'être dérangé une veille de Noël, un fonctionnaire des renseignements pris en flagrant délit de trou dans la raquette, un politique protégeant ses arrières, un Etat ménageant des alliés peu fréquentables, ou tout cela à la fois qui agit, mais la machine à mots clés se met en route. Le William M, assassin présumé de son état, devient le personnage d'un roman qui s'écrit pour écarter les ennuis.
Sur les chaînes d'infos, on hésite quand même. Hé, on invite un anti raciste ou un raciste ? Le Ministre a dit qu'on peut. On téléphone à l'Ambassade de Turquie pour avoir un Kurde, on se ravise, et on rappelle un syndicat de police, valeur sûre. On évite le Zemmour, faut pas gâcher, et puis il est pas patholo. Si ? Pourtant il a juste été condamné pour racisme, c'est un spécialiste. On se rabat finalement sur SOS, ils ont été proches de Hollande, ça devrait coller.
Tout ça en un temps record, avec en dessous un bandeau où on décline les synonymes de déséquilibré. Le Macron va être content.
Mais, même à la matraque, on ne peut faire taire celles et ceux qui ont libéré là bas leur territoire de Daech. Et, matraquage sur chaînes d'info ou pas, gazage dans la rue, la pédagogie du cinglé raciste frustré ne convainc pourtant pas.
On ouvre les portes, on reçoit, on compatit, rien n'y fait.
Et comme on ne sait plus qui a commencé à mettre la poussière sous le tapis, on continue. Ces choses là ont bien marché depuis Ben Barka, y a pas de raison ! Et c'est Noël merde !
Trois jours où entre manifestations où on cherche la voiture brûlée, et passages de psychiatres à la retraite ou stagiaires débutants, sur les plateaux télé, on s'efforce de ne rien dire d'autre que les mots clé. On coupe le sifflet souvent à des invité.es qui voudraient dire autre chose, mais, dans l'ensemble, Noël est sauvé. "selon nos enquêteurs".
Jamais le mot kurde n'a pourtant autant été prononcé sur des plateaux télé dans un laps de temps aussi court. Jamais leur existence comme peuple discriminé et opprimé n'a pourtant, en même temps, été autant niée. Finalement, ils brûlent des voitures comme les autres, ce sont bien des étrangers à qui on pourrait avoir des raisons d'en vouloir. Et puis, ces drapeaux terroristes, quand même !
Et puis, la preuve que c'est un fou, on l'a sorti d'une infirmerie psychiatrique. Vous dites plus rien là hein ?
Bon, on annonce que le "suspect" aurait aussi des tendances suicidaires pathologiques. Trouvez moi un escalier, qu'on en finisse !
Mes ami.es kurdes me pardonneront sans doute, et je leur renouvelle compassion et condoléances, mais ces jours de mensonge d'Etat m'ont exaspéré, et je rejoins leur colère.