Je ne marche pas

antisemitisme

Je ne suis toujours pas Charlie, je ne vois pas pourquoi je serai Bibi.

J'aurais pu me contenter de ce type de phrase dans le style actuel des tweets rageux de Jean Luc Mélenchon, mais je vais plutôt la faire Cyrano, car c'est un peu court.

Voyez comme l'antisémitisme revient toujours au galop. Me voilà à parler moi-même de nez pour dire que je ne marche pas dans la combine. Comment échapperais-je après ça à un faux procès, comme le capitaine Dreyfus en son temps ? Parce que chez ces gens là, on ne plaisante pas Monsieur, on ne plaisante pas, on compte. Moi j'accuse.

On compte les étoiles bleues qui fleurissent sur nos murs. On compte les arrestations, dont on ne rendra jamais compte demain. Et on importe la peur qui a fait le ciment des murs que l'extrême droite et la droite nationaliste et colonialiste israélienne ont bâtis pour prendre le pouvoir et le conforter, créant l'angoisse, la haine de l'autre, l'idée de l'impossible cohabitation, sur fond de dichotomie idéologique entre forces du bien et axe du mal. Le fameux message messianique du Bibi, les ténèbres et la lumière, la croisade dans Gaza qui s'en suit. Le Juif a des ennemis partout, et il faut l'en protéger, quitte à faire passer de vrais ennemis comme le Hamas comme un moindre mal, et vouloir ensuite se débarrasser du chien qui mord, pour l'exemple. Le protéger, ordre et sécurité. L'ennemi est partout. Et les colonies deviennent des avant-postes naturels, pour s'en prémunir.

On compte aussi les morts mais on trie les victimes.

Et voilà les descendants de celles et ceux qui, en bande, visitaient en son temps l'exposition "Le Juif et la France", et qui applaudissaient à la projection du film " Le Juif Süss", en 1941, qui se répandent sur les plateaux télé avec de grands "Mes amis juifs me disent que..." Et islamo gauchisme par ci, et intersectionnalité importée par là, grand remplacement ailleurs...grand papa s'y retrouvera. Oyez, le bouc émissaire a changé, l'étranger, maintenant, l'envahisseur, c'est le bougnoul. Et il nous importe la maladie de l'antisémitisme. Fermez le ban faussement laïc !

Comment ça, comparez les victimes du massacre du 7 octobre avec des victimes collatérales d'un exercice du droit de légitime défense ? Mais vous n'y pensez pas ! Ce serait comparer le condamné à la peine de mort et sa victime. Ben mince, c'est un Etat qui a prononcé la sentence non ? Exécution !

Et si cela ne suffit pas, on marche et on compte les marcheuses et marcheurs. Honte à celui ou celle qui a mal aux pieds, comme on aurait mal à son humanité.
Oui, ces gens là... Comment donc, mais vous pensiez que je parlais des Juifs ? Quelle erreur là encore. Les stéréotypes vous font perdre la raison. Pourquoi devrais-je reprendre à mon compte l'essentialisation, l'assignation à résidence, d'une communauté culturelle ou religieuse ? N'est-ce pas là justement une des racines de l'antisémitisme ?

Pourquoi diable en appeler à l'identité lorsqu'il s'agit de pleurer ensemble les victimes des assassins du Hamas et refuser ensuite d'écouter celles et ceux qui disent "pas en mon nom", lorsqu'ils, elles, voient les images d'enfants morts de Gaza ? Juifs indifférenciés un jour et ennemis d'Israël le lendemain ?

Des Juifs demandent un cessez le feu à Gaza ? Chuuut, la raison vous égare. Qu'ils, elles, viennent donc marcher, ça leur changera les idées.

Le Bien, le Mal, le Mâle aussi.

La bête immonde est au féminin, mais ses porteurs eux, portent fièrement les valeurs virilistes de la vengeance et de la guerre. C'est ce qui décida du 7 octobre et qui se poursuivit dans un "c'est eux qui ont commencé", ce qui d'ailleurs est aussi un mensonge historique. Mais me voilà dans l'apologie du terrorisme, du coup. Faut pas expliquer, sinon c'est excuser. Pourtant je l'ai fait dans un précédent article.

Le gouvernement israélien lui ne compte pas, par contre. Il fait des multiplications et en oublie les retenues, ces otages qu'il porte en bouclier. Seules deux choses le retiennent de gazer les tunnels de Gaza : les familles et leur obstination à faire libérer leurs enfants, et la référence, malvenue. Mais, pour Bibi, restaurer l'image d'invincibilité d'Israël mérite bien qu'on fasse des sacrifices, sans doute, pendant qu'on éradique et qu'on tue.

Et je ne vais pas paraphraser un Rony Brauman qui dit que la meilleure façon de lutter contre l'antisémitisme, c'est une "manifestation pour la paix et contre toutes formes de racisme". Et je ne suis pas un pacifiste bêlant. Mais dire que le massacre doit s'arrêter là bas, qu'un cessez le feu doit intervenir, et qu'ici toutes formes de racisme doivent disparaître, c'est un minimum vital. Et je veux bien pour cela acheter des chaussures neuves.

Je veux terminer en parlant un peu du barnum politicien dont se régale le petit monde médiatique.

Le Juif est devenu "fashion". Quiconque n'évoque pas une ou un ami juif est regardé d'un sale oeil.

Et même ceux qui n'en avaient pas en adoptent, d'un coup. Après tout, Bibi avait bien des amis arabes non ? Celui ou celle qui s'y retrouve dans ce brouillard peut me faire signe. Mussolini devient républicain, le dénonciateur du Juif d'hier devient Juste, le raciste raccord avec Bibi, l'eau se transforme en vin et la bête immonde s'en enivre.

On ne saura jamais si, en changeant quelques mots dans un communiqué à minima politiquement débile, le 7 octobre, une certaine gauche aurait pu apporter sa lanterne ensuite dans le brouillard. C'est trop tard. Mais ce que j'en comprends, c'est qu'autour d'un flou artistique sur l'antisémitisme, chacun pense engranger un capital électoral, pour l'hiver qui s'annonce. La Rance vire à droite toute, à la recherche de ses bas instincts, et il faut avoir désormais à son programme philo sémitisme, anti immigration et laïcité de combat. La marche du siècle.

Finalement, j'ai marché quand même, sur un fil.

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