On n'a pas tous les jours vingt ans.
Serge Reggiani s'en allait le 23 juillet 2004. Il avait suffit de presque rien, et il avait basculé de l'autre côté, emporté par la camarde.
Il a laissé derrière lui une voix. Voix qui chante, voix fumante, voix qui dit l'indicible, au détour des mots. Une image, un visage, qu'on reconnait de loin sur les vide-greniers, dans les cartons de vieux vinyles offerts à trois sous. Le temps a fait son oeuvre, on n'est passé à autre chose. La voix ne surgit plus que par inadvertance, lorsque le zapping d'une console de voiture accroche une fréquence démodée.
Et pourtant, cette voix qui interpréta si bien Jacques Prévert, émeut toujours autant. Non, Jacques Prévert n'est pas seulement le nom d'une école. Ce n'est pas non plus le mot qu'il ne faut pas oublier, à la fin de la récitation. Il est lié à ce que fut le front populaire. Pas le faux d'aujourd'hui. Le vrai, devenu paragraphe des livres d'Histoire de France.
Jacques Prévert était un musicien des mots en même temps qu'un poète écorché. Et Serge Reggiani a osé le rencontrer dans cet enregistrement, sans queue ni tête, comme l'est souvent l'absurde de l'Histoire.