Il y a des jours, comme ça, où tout te pousserait à déclarer l'indépendance de ton jardin, et à y planter un drapeau noir.
Mais voilà, des visas pour les copines et les copains, le pass sanitaire politique, tout ça tout ça, ça te prendrait trop de temps sur la culture de patates.
Bref, l'humeur est maussade, et la réminiscence, si elle tient des belles lettres, n'est pas joyeuse :
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;
Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;
Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,
Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.
Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
Un Spleen de Beaudelaire, un jour où on t'annonce un Z de plus à l'alphabet électoral, un Ziotti qui ne réjouira que les amateurs de scrabble, s'imposait non ?
C'est ma façon de bricoler un article comme d'autres bricolent des vidéos dans leur garage. Mon panthéon des coins sombres à moi s'honore de Beaudelaire et Rimbault, et même de Brassens à l'occasion, aux côtés de beaucoup d'autres.
Voilà donc une nouvelle année qui s'annonce sous le signe de la peste brune, en plus de celle qui nous court après avec ses piqures de rappel. Et là, dans cette configuration, les mesures barrières font des morts.
On ne peut guère compter sur un Géo Trouvetout politique pour brandir un vaccin miracle. Nos politiciens chercheurs ont quasi tous et toutes des conflits d'intérêts, et la trouvaille en serait d'autant plus suspecte. Il faudra se contenter, ou de placebo, ou de molécules existantes, à recycler. Les variants du Z pourront donc à l'envie continuer à contaminer. Et, même si l'on est désabusé, l'usage de la boisson alcoolique, même au bar de la marine, n'y fera rien non plus. Reste à espérer perdre l'odorat, sans doute un moindre mal.
On me dit qu'il existe des "programmes" à suivre contre cette pente neurasthénique, face au virus brun. Des "comme j'aime" républicains et de gauche qui dégraisseraient le capitalisme et éviteraient son embonpoint fascistoïde. Rien qu'à voir la façon dont ils sont tous enveloppés du drapeau tricolore me dit qu'ils ne sont pas pour moi. L'emballage, ça compte quand même, pour réouvrir l'appétit, comme une présentation d'assiette.
Restent les recettes et remèdes de grand-mère, celles que j'affectionnais quand j'étais plus jeune, en même temps que les poutous sur la joue.
Ce matin brun, décidément, n'en finit pas de s'étirer pour finir en nuit brune. Va falloir que je me décide à refaire de l'exercice. Je crois que c'est là le moyen.
Brassens, à la lettre B, devrait y allumer une bougie, tandis qu'un Charlot agite un drapeau, rouge celui-là, mais en noir et blanc, en ces temps dits "modernes".